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France, Nation sans visage : pour une reconsidération monarchique du lien politique

  • eafbd3
  • May 11
  • 4 min read

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« On a voulu qu’une République rationnelle remplace un roi sacré. Mais on a oublié que toute société a besoin de mythes. »— Régis Debray

I. Une République sans peuple ?

Le régime républicain français repose sur une idée fondatrice : la souveraineté populaire exercée à travers des institutions rationnelles. Mais cette architecture, née des Lumières et refondée par De Gaulle en 1958, montre aujourd’hui ses limites.


Baromètres après baromètres, les chiffres se ressemblent et s’aggravent : abstention record, effondrement de la confiance dans les institutions, rejet des partis. Le sentiment d’appartenance civique s’effondre. La République parle au nom d’un peuple qui ne l’écoute plus.

« Ce n’est pas la démocratie qui est rejetée, mais la manière dont elle est pratiquée et incarnée. »— Dominique Reynié

Les mécanismes représentatifs sont perçus comme faussés, captés, opaques. L’État est vu comme une technostructure, et la politique comme une caste. La République, dans sa forme actuelle, n’assure plus la médiation entre la souveraineté populaire et l’État. Le contrat démocratique est en crise.


II. Une nation sans incarnation

Plus encore que la défiance politique, c’est l’absence de représentation humaine de la Nation qui interroge. La France n’a plus de figure au-dessus du jeu partisan, au-dessus du gouvernement. Le Président est perçu non comme un arbitre, mais comme le chef d’un camp. Le pouvoir, bien que centralisé, est fragmenté. Le récit national, lui, est éclaté.

« L’erreur de la République moderne fut de croire qu’on pouvait gouverner une nation avec des institutions sans incarnation. »— Marcel Gauchet

La disparition progressive des figures de continuité (église, armée, école, histoire nationale partagée) laisse un vide symbolique. Ce vide est aujourd’hui comblé, de manière préoccupante, par des figures extrêmes, populistes ou identitaires, qui prétendent incarner "le vrai peuple".


Dans cette situation, la République souffre d’un déficit de transcendance politique. Elle régule, mais ne fédère plus. Elle fonctionne, mais n’inspire plus.


III. Le modèle monarchique contemporain : l’anomalie qui dure

Il est frappant de constater que les monarchies parlementaires européennes — Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède, Norvège, Belgique, Luxembourg — offrent une stabilité démocratique supérieure à nombre de républiques voisines.


Ce n’est pas un paradoxe. C’est la conséquence d’un équilibre politique subtil : dans ces pays, la monarchie ne gouverne pas, elle incarne. Elle ne décide rien de politique, mais elle garantit le cadre dans lequel le politique s’exerce.


Le souverain est apolitique par nature. Son rôle est de :

  • Représenter la Nation dans la durée, au-delà des alternances ;

  • Garantir le respect des institutions, des libertés fondamentales, de la continuité constitutionnelle et assurer la ;

  • Arbitrer les crises, non en tranchant, mais en stabilisant.

« Dans les monarchies parlementaires, le roi est la figure du temps long. Là où les gouvernements passent, il demeure. »— Guy Hermet, Les souverains d'Europe, 2012

Ce modèle n’est pas archaïque : il est d’une modernité froide, institutionnellement efficace. Il neutralise le pouvoir symbolique pour empêcher sa captation partisane. Il sépare la légitimité politique (gouvernement) de la légitimité symbolique (monarque).


IV. La République impuissante face aux passions contemporaines

Aujourd’hui, la République se trouve prise en étau entre deux forces qu’elle ne parvient plus à canaliser :


  • D’un côté, un néo-obscurantisme religieux, qui instrumentalise les libertés démocratiques pour miner l’autorité de l’État ;

  • De l’autre, une extrême droite néo-traditionaliste, qui prétend restaurer un ordre national fantasmé par la force et l’exclusion.


Dans cette double offensive, la République s’avère fragile. Parce qu’elle est gouvernée par des partis, soumise à des élections, tiraillée entre ses valeurs et les impératifs du pouvoir, elle abdique trop souvent son rôle de gardienne du commun.


Une figure monarchique moderne, précisément parce qu’elle n’est pas élue et donc affranchie des calculs électoraux, pourrait mieux tenir la ligne : protéger les principes constitutionnels, incarner l’unité nationale, défendre la laïcité et la neutralité de l’État.


V. Une monarchie parlementaire française : principes, cadre, incarnation

Réfléchir à une monarchie parlementaire française ne signifie pas restaurer l’Ancien Régime, ni revenir à un pouvoir absolu. Il s’agirait d’inventer un modèle postmoderne, sobre, enraciné dans les exigences démocratiques contemporaines. Voici ce que pourrait être une telle monarchie :


1. Une monarchie constitutionnelle stricte

  • Le roi ne gouverne pas. Tous les actes de gouvernement sont contresignés par le Premier ministre ou les ministres.

  • Il n’a aucun pouvoir exécutif propre, mais un devoir de réserve, de parole mesurée, de vigilance institutionnelle.

  • Il garantit l’équilibre des pouvoirs, le respect des libertés fondamentales, la continuité et l'apolitisme de l’État.


2. Une monarchie héréditaire mais encadrée

  • La monarchie est héréditaire, pour garantir la continuité et la stabilité symbolique.

  • Cependant, chaque accession au trône serait reconfirmée par un vote des deux chambres réunies, à majorité qualifiée, sur la base d’un serment constitutionnel.

  • En cas d’indignité manifeste, le Parlement pourrait déchoir le souverain par une procédure stricte


3. Une fonction au-dessus des partis

  • Le roi n’appartient à aucun courant politique, n’intervient jamais dans le débat partisan.

  • Il préside les cérémonies nationales, reçoit les ambassadeurs, assure la représentation de l’unité nationale à l’étranger.

  • Il peut rappeler, par la parole symbolique, les principes fondateurs de la République, comme la laïcité, l’indivisibilité, la fraternité.


4. Une incarnation sobre, moderne, laïque

  • Le souverain est soumis à une Charte de neutralité et de devoirs, définie par la Constitution.

  • Ses prérogatives sont strictement encadrées, publiques, et soumises à la transparence démocratique.

  • Il ne dispose d’aucun privilège fiscal ou juridique personnel, son rôle est un sacerdoce républicain et civique.


...........restaurer l’incarnation apolitique de l'Etat pour sauver l'esprit de la République ?

Le paradoxe français est peut-être là : nous sommes devenus républicains par culture, mais orphelins de figure. Le peuple doute, le politique trébuche, et les symboles vacillent.


Ce n’est pas l’idée républicaine qu’il faut abandonner. C’est son exclusivité sacrale. Il est peut-être temps, non pas de restaurer une monarchie à l’ancienne, mais d’inventer une République à double tête : politique par les urnes, symbolique par la Couronne.

« Quand la République échoue à faire Nation, il faut peut-être qu’une figure non partisane en incarne la promesse. »— Michel Onfray, Théorie de la dictature, 2019

La monarchie parlementaire moderne ne serait ni une nostalgie ni un fétiche. Elle serait un outil constitutionnel au service de la démocratie. Une digue symbolique contre la démagogie. Un miroir possible dans lequel les Français, peut-être, pourraient à nouveau se reconnaître.

 
 
 

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